Céréales au Maroc
 

Engraissement des taurillons

Introduction globale

Dans un contexte où la demande en viande rouge de qualité ne cesse de croître, maîtriser les techniques d’engraissement devient un levier incontournable pour améliorer la rentabilité des exploitations, répondre aux exigences du marché et contribuer à la sécurité alimentaire. 

Bien plus qu’une simple phase d’alimentation intensive, l’engraissement repose sur une gestion intégrée : choix des animaux, formulation des rations équilibrées, suivi sanitaire rigoureux, aménagement des bâtiments et optimisation du bien-être animal. Chaque décision prise influence directement la vitesse de croissance, la qualité de la carcasse et, in fine, le revenu de l’éleveur. 

Étapes de la conduite technique d’un élevage d’engraissement des taurillons

Choix des animaux
Alimentation et abreuvement
Bâtiments d’élevage
Santé

CHOIX DES RACES

Le choix de la race conditionne la vitesse de croissance, l’efficacité alimentaire, la qualité de la carcasse et la rentabilité finale. Trois critères principaux doivent guider l’éleveur : les aptitudes bouchères, l’adaptation au milieu et la disponibilité des animaux.

Les aptitudes bouchères

o Les races à viande spécialisées telles que la Charolaise, la Limousine ou la Blanc Bleu Belge se distinguent par une croissance rapide, un gabarit important et un rendement carcasse élevé avec une viande bien conformée. Toutefois, elles nécessitent une alimentation riche et équilibrée pour exprimer pleinement leur potentiel.

o Les races locales ou rustiques comme la Oulmès-Zaer, la Tidili et la Brune de l’Atlas présentent, quant à elles, une excellente adaptation aux conditions climatiques et alimentaires locales. Bien que leur croissance soit plus lente, elles se caractérisent par une grande robustesse et rusticité, constituant ainsi un bon compromis pour les petits et moyens éleveurs.

o Les animaux croisés issus de l’association entre races locales et races améliorées représentent souvent le meilleur choix. Ils combinent la rusticité des races locales avec les performances bouchères des races spécialisées, offrant une croissance rapide et une carcasse de qualité supérieure. Très répandus au Maroc, les croisements sont particulièrement privilégiés dans les zones où l’accès aux veaux croisés est facilité.

o Dans les zones à fort potentiel fourrager et concentrés accessibles, les races à viande ou les croisés sont les plus intéressants.

o Dans les zones plus difficiles (arides, fourrages limités), les races locales ou croisées rustiques sont préférables.

L’adaptation au milieu

La disponibilité des animaux

o Certaines races ou types (croisés lait × viande) sont mieux valorisés sur le marché local.

o Se renseigner sur les préférences des acheteurs (bouchers, abattoirs) est essentiel pour maximiser le prix de vente.

Au Maroc, l’engraissement concerne principalement les taurillons, qui se distinguent par une croissance plus rapide et plus efficace que les animaux castrés ; leurs carcasses sont moins grasses, mais leur viande, légèrement plus sombre, présente une tendreté un peu inférieure à celle des castrés.

PERFORMANCES ATTENDUES

D’une manière générale, les performances attendues varient en fonction de la race des animaux.

Pour les races améliorées

o Poids vif au démarrage : 250-300 Kg

o Poids vif à l’abattage : 450-500 Kg

o Gain Moyen Quotidien : 1200 à 1400 g

o Indice de consommation : 7 à 9 kg d’aliments par kg de gain de poids vif

o Durée moyenne d’engraissement : 3-4 mois

o Taux de mortalité : 2%

o Consommation quotidienne d’eau (abreuvement et autre) : 50 l/animal

o Poids vif au démarrage : 150-200 Kg

o Poids vif à l’abattage : 350-400 Kg

o Gain Moyen Quotidien : 800 à 1000 g

o Indice de consommation : 8 à 10 kg d’aliments par kg de gain de poids vif

o Durée moyenne d’engraissement : 3-4 mois

o Taux de mortalité : 2%

o Consommation quotidienne d’eau (abreuvement et autre) : 50 l/animal

Pour les races locales

Réception des animaux

Avant leur intégration dans les lots d’engraissement, les animaux nouvellement acquis doivent passer par une phase préparatoire essentielle :

Mise en quarantaine et traitements sanitaires initiaux

o Observation des animaux pendant quelques jours afin de surveiller l’état sanitaire et d’éviter la propagation des maladies.

o Traitement contre certaines pathologies.

o Parage et soins des affections podales éventuelles.

o Antiparasitage systématique pour tous les animaux.

o Durée : environ 10 jours.

o Ration basée sur les fourrages grossiers.

o Introduction progressive des aliments concentrés.

o Eau propre et fraîche disponible en permanence.

Transition alimentaire

Identification et suivi des animaux

o Identification (boucles, puces, ou autres systèmes).

o Pesée avant l’entrée en engraissement : Avec bascule ou par un barymètre selon les équations suivantes :

Taurillons de race améliorée : PV = 15,7 + (66,88 × TP³)

Taurillons de race locale : PV = 7,9 + (66,53 × TP³)

(PV : poids vif estimé en kg, TP : tour de poitrine en mètre).

La transition alimentaire

Le protocole alimentaire d’engraissement prévoit une adaptation progressive. Le premier jour, les animaux reçoivent exclusivement un aliment grossier, tel que du foin, accompagné d’eau à volonté, afin de préparer le fonctionnement du rumen. Au cours de la première semaine, une ration de transition est instaurée, composée de 75% d’aliment grossier et de 25% d’aliment concentré. La deuxième semaine correspond à une phase d’équilibrage, avec une ration contenante 50 % de grossier et 50 % de concentré. À partir de la troisième semaine, la ration d’engraissement proprement dite est appliquée, caractérisée par 25% d’aliment grossier et 75% d’aliment concentré, ce qui permet d’optimiser les performances de croissance et l’efficacité de conversion alimentaire.

Aliments distribués à l’engraissement

Il est essentiel de rechercher en permanence la combinaison la plus adaptée entre aliments grossiers et concentrés afin d’assurer de bonnes performances zootechniques. Une proportion minimale de 20% d’aliments grossiers dans la ration (à base de matière sèche), mais n’excédant pas 30%, permet d’obtenir des résultats satisfaisants. Pour limiter les inconvénients liés à une forte utilisation des concentrés, il est recommandé d’opter pour une ration totalement mélangée, associant concentrés et aliments de structure. En effet, la forme de présentation d’un aliment influence les fermentations dans le rumen, surtout lorsque les besoins énergétiques sont élevés et que la part de concentrés augmente. L’incorporation de paille hachée dans un mélange comprenant des tourteaux, de la pulpe sèche de betterave, de la mélasse et des céréales s’est révélée plus efficace que sa distribution en râtelier. Ce mode de présentation favorise une meilleure digestibilité apparente et améliore l’ingestion globale. Sur le plan ruminal, les taurillons recevant la paille hachée mélangée présentent un pH plus élevé, traduisant un effet tampon bénéfique. Cette stratégie se traduit par une amélioration des gains de poids et de l’indice de consommation, renforçant ainsi l’efficacité de l’engraissement. La ration destinée à la croissance-engraissement doit être distribuée à volonté, afin de maximiser les performances. Cela implique que la mangeoire soit continuellement approvisionnée. Pour être optimale, cette ration doit être formulée de manière à :

• Faciliter la transition progressive des animaux vers le régime de finition.

• Limiter les troubles digestifs, grâce à une composition équilibrée.

• Apporter des protéines suffisantes (environ 15% de la ration à base de matière sèche, avant la phase de finition) pour soutenir le développement musculaire.

• Fournir l’énergie nécessaire, principalement via l’incorporation de céréales, afin de maximiser la croissance.

• Un ratio PDI/UFV d’environ 100 g .

• Garantir un apport en fibres digestibles, essentiel pour une bonne digestion et le fonctionnement du rumen.

• Assurer l’équilibre minéral de la ration pour améliorer les performances et prévenir notamment les calculs urinaires.

• Soutenir une vitesse de croissance minimale de 1,2 kg/jour, de préférence environ 1,4 kg/jour (pour les bovins « améliorés »).

• Maximiser les performances au moindre coût, en tenant compte de la disponibilité et du prix des intrants.

Les indices de consommation (efficacité alimentaire) attendues par classe de poids vif sont :

• Classe de poids vif 175-275 : 7 kg d’aliments par kg de gain de poids vif

• Classe de poids vif 275-375 : 8 kg d’aliments par kg de gain de poids vif

• Classe de poids vif 375-500 : 9 kg d’aliments par kg de gain de poids vif.

Abreuvement

Un taurillon en phase d’engraissement consomme en moyenne 40 litres d’eau par jour, cette valeur pouvant varier selon la température ambiante, la teneur en matière sèche de la ration et le niveau de production. L’accès permanent à une eau propre et fraîche constitue donc un facteur déterminant pour maintenir de bonnes performances de croissance et prévenir les troubles digestifs ou métaboliques.

Stabulation libre

La stabulation libre des bovins est le système d’élevage où les animaux circulent librement dans un bâtiment ou un enclos, sans être attachés individuellement.

Normes à respecter en stabulation libre
Catégorie d’animaux Veaux Bovins à l’engrais / jeune bétail
Âge (mois) ≤4 ≤6 ≤9–15 ≤12–20 >12–20
Poids vif (kg) ≤150 ≤200 ≤300 ≤400 >400
Place mangeoire (cm) 40 45 50 60 70
Largeur du couloir derrière la mangeoire (cm) 120 160 200 260 280
Couloir à l’arrière des logettes (cm) 120 120 135 160 175
Aire de repos à la litière (m²) 1.2 à 1.5 1.8 2 2.5 3

Stabulation entravée

La stabulation entravée (ou stabulation fixe) est le système d’élevage traditionnel où chaque bovin est maintenu à une place fixe, généralement attaché par le cou, et ne peut pas se déplacer librement dans le bâtiment.

Normes à respecter en stabulation entravée
Catégorie d’animaux Veaux Bovins à l’engrais / Jeune bétail
Âge (mois) ≤4 ≤6 ≤9–15 ≤12–20 >12–20
Poids vif (kg) ≤150 ≤200 ≤300 ≤400 >400
Largeur de stalle (cm) 70 80 90 100 110
Longueur de stalle pour salle courte (cm) 120 130 145 155–165
Longueur de stalle pour salle moyenne (cm) 150 165 180 190
Aire d’exercice (max 50% couverte)  
Animaux à cornes (m²) 4 4 6 8 10
Animaux décornés (m²) 4 4 5 6 7

Santé

Les bovins à l’engraissement sont sensibles aux troubles métaboliques, souvent causés par les rations très énergétiques utilisées pour améliorer leur croissance.

L’acidose

Une pathologie fréquente chez les bovins à l’engraissement. Elle survient principalement lorsque la ration contient une proportion excessive de céréales, en particulier si la phase de transition vers ce régime est trop courte. Ces aliments riches en amidon favorisent la prolifération de bactéries lactiques, notamment Lactobacillus bovis, entraînant une chute du pH ruminal. Dans ces conditions, l’activité des bactéries lacticolytiques est inhibée, le lactate s’accumule et peut passer dans la circulation sanguine. Les animaux présentent alors une consommation exagérée d’eau, suivie dans certains cas de coma et de mort. L’acidose peut se manifester sous forme aiguë, mais à moyen terme elle conduit souvent à une parakératose de la muqueuse ruminale et à une ruminite chronique. Cette dernière peut favoriser la formation d’abcès hépatiques, dus à la migration de germes pyogènes par la veine porte, et évoluer dans certains cas vers une fourbure. La prévention repose sur le maintien d’un pH ruminal stable grâce à une ration équilibrée entre concentrés et fourrages grossiers, l’utilisation de fourrages hachés grossièrement, le contrôle des quantités de concentrés riches en amidon, le traitement adapté des céréales (aplatissement, concassage grossier), une transition alimentaire progressive de deux à trois semaines, ainsi qu’une augmentation de la fréquence de distribution des rations.

Une autre pathologie courante, caractérisée par l’accumulation de gaz dans le rumen à la suite d’une perturbation de l’éructation. Elle peut être provoquée par un déficit en fibres (manque de lest), l’absence de transition alimentaire, une acidose chronique ou encore une paralysie du cardia induite par certaines substances toxiques d’origine végétale. Les aliments appétents pauvres en fibres mais riches en glucides rapidement fermentescibles (céréales finement broyées) ou en protéines très solubles (légumineuses jeunes) aggravent le phénomène, d’autant plus qu’ils induisent une faible salivation, privant le rumen de l’effet tampon et « anti-mousse » de la salive. Parmi les fourrages à fort pouvoir météorigène figure la luzerne, riche en agents moussants. On distingue deux formes de météorisation : la forme gazeuse, due à l’accumulation de gaz libres dans la partie supérieure du rumen, et la forme spumeuse, où les gaz sont piégés sous forme de bulles dans une mousse mélangée aux aliments en digestion. Dans les deux cas, le signe clinique majeur est le gonflement du flanc gauche de l’animal.

La météorisation