
Élevage caprin
Introduction globale
L’élevage caprin est largement répandu dans les zones difficiles du Maroc, notamment les régions montagneuses, arides ou à faible potentiel agricole. Grâce à leur rusticité et à leur capacité d’adaptation aux conditions climatiques et alimentaires contraignantes, les caprins représentent une ressource précieuse pour les communautés rurales.
Au-delà de leur rôle productif, les chèvres jouent un rôle socio-économique important. Elles assurent une sécurité alimentaire grâce à la fourniture régulière de lait ainsi que de viande, de cuir et du fumier utilisé comme amendement organique. Dans certaines régions, elles constituent également une source d’épargne vivante et de revenus réguliers, particulièrement pour les femmes et les petits éleveurs.
L’élevage caprin participe ainsi à la résilience des familles rurales, tout en valorisant des ressources naturelles locales comme les parcours et les sous-produits agricoles.
Étapes de la conduite technique d’un élevage caprin
Races caprines au Maroc
La population caprine marocaine est diversifiée :
Races locales et populations adaptées
Population caprine du Nord du Maroc
Elle regroupe des chèvres locales et des animaux issus de croisements, notamment avec certaines races espagnoles. Les chèvres locales sont rustiques mais présentent de faibles performances en production (lait et viande). Or, les chèvres croisées se distinguent par de meilleures aptitudes laitières, avec des mamelles plus volumineuses, des trayons plus longs et une peau plus fine, facilitant la traite.
Il s’agit de chèvres de race locale non prolifique, essentiellement élevées pour la production de viande. Leur rusticité leur permet de bien valoriser les parcours difficiles des zones montagneuses.
Population caprine de montagne (Moyen et Haut Atlas)
Race caprine "Draa"
Race très prolifique et non saisonnière, capable de produire 2 à 3 chevreaux par portée, jusqu’à deux fois par an. Elle présente également des performances laitières intéressantes avec une moyenne de 1 litre de lait par jour. Elle est bien adaptée aux conditions arides des zones sahariennes.
Races importées
Race Alpine
Excellente laitière, reconnue pour son potentiel élevé en production de lait et ses mamelles bien conformées.
Très bonne productrice de lait, elle s’adapte bien aux différents systèmes d’élevage, y compris intensifs.
Race Saanen
Race Murciano-Granadina
Race espagnole très prolifique, principalement exploitée pour ses performances laitières élevées et sa bonne adaptation aux environnements chauds et secs.
Etat de l’animal
Avant d’acheter une chèvre, il est essentiel d’examiner des points fondamentaux pour garantir la qualité de l’animal et ses aptitudes à la reproduction ou à la production : la conformation générale, les aplombs, la mamelle et la dentition.
Conformation générale
L’animal doit présenter une conformation harmonieuse, en accord avec le standard de sa race. Cependant, certains critères morphologiques sont communs :
• Un développement corporel bien proportionné (format adapté à la race)
• Une ligne de dos droite et horizontale
• Un bassin large et peu incliné (important pour les mises bas)
• Des membres solides avec articulations saines
• Des aplombs corrects
• Une mamelle bien attachée, bien développée, et de bon volume
• Une bonne capacité thoracique (poitrine large, signe de vitalité)
Aplombs
Les aplombs sont primordiaux, surtout dans les systèmes extensifs ou pastoraux où les chèvres doivent parcourir plusieurs kilomètres par jour, parfois sur des terrains accidentés.
Il faut donc privilégier des animaux avec :
• Des membres robustes
• Des articulations en bon état
• Une démarche fluide et sans boiterie
Mamelle
La mamelle est un critère crucial, surtout dans les systèmes laitiers. Elle doit être :
• Symétrique, bien implantée et facile à traire
Exempte de défauts :
• Trayons surnuméraires (gênants pour la traite)
• Pis trop étroit, déséquilibré ou conique (gênant pour la tétée)
• Pis en forme de poche ou "pis sarde", qui favorise les rétentions de lait et les mammites
Les défauts de mamelle peuvent compromettre la production, la traite et la santé mammaire. Une chèvre présentant de tels défauts ne doit pas être conservée comme reproductrice.
Dentition et onglons
La dentition permet d’estimer l’âge de l’animal et donne une idée de sa précocité. Une denture correcte est essentielle pour une bonne ingestion et donc une production optimale.
Dentition de lait :
20 dents = 2( 04 incisives − 00 canines − 33 molaires )
Dentition adulte :
32 dents = 2( 04 incisives − 00 canines − 33 molaires 33 molaires )
Les onglons doivent être bien entretenus :
• Une taille régulière évite les infections, les abcès et les problèmes d’aplombs.
• Chez les animaux en stabulation, la surveillance doit être rigoureuse.
• Sur parcours, l’usure naturelle est souvent irrégulière ; une taille rectificative est nécessaire pour éviter les déformations
Un animal avec des onglons mal entretenus souffre, se déplace difficilement, s’alimente mal, ce qui entraîne une baisse de production.
Principes d’alimentation
Les caprins sont des ruminants, les aliments ingérés passent d’abord dans le rumen, le plus grand compartiment digestif, qui forme avec le réticulum un ensemble appelé réticulo-rumen, car ils ne sont pas séparés par une barrière physique. Les particules alimentaires assez fines, ainsi que l’eau, les microbes et les produits de fermentation, passent ensuite dans le feuillet (omasum), caractérisé par ses nombreuses lamelles. Enfin, les aliments atteignent la caillette (abomasum), où se déroulent les digestions acides. Chez les jeunes, le lait est dirigé directement vers la caillette grâce à la gouttière œsophagienne, permettant sa coagulation sous l’effet du pH acide. Chez un caprin adulte, on évalue au moins 10 litres la sécrétion salivaire quotidienne, riche en substances tampons, tel le bicarbonate de sodium.
Les besoins nutritionnels
Les besoins nutritionnels des caprins se divisent en deux grandes catégories :
Les besoins d’entretien
Ils permettent de maintenir les fonctions vitales de l’organisme telles que la respiration, la digestion, la régulation de la température corporelle, etc. Ces besoins varient principalement en fonction du poids vif de l’animal.
Les besoins de production
Ils dépendent du cycle de production et englobent :
• La croissance chez les jeunes,
• La gestation chez les femelles reproductrices,
• La lactation chez les femelles en production de lait,
• Les activités physiques, notamment les déplacements fréquents dans les systèmes pastoraux.
Calcul des besoins des chèvres
Le besoin quotidien en énergie, liés à l’entretien et à la production est calculé comme suit :
BesUFL = 0,79 + 0 ,01 (PV -60) + (0,40 x PL)
PV : Le poids vif en kg
PL : La production laitière en litres. On considère que le lait est à un taux butyreux de 35g/kg, un taux protéique de 31g/kg et un taux de lactose de 43 g/kg.
0,4 UFL est l’énergie dépensée pour produire un kg de lait.
Si le TB et le TP sont variables, on utilise l’équation suivante :
UFL /kg lait = 0,4 + 0,0055 (TB-35) + 0,0033 (TP – 31)
Le besoin quotidien en protéines, liés à l’entretien et à la production est calculé comme suit :
BesPDI = 50 + 0 ,62 (PV -60) + 45 PL
Aux besoins d’entretien et de production, on ajoute les besoins de gestation pour les 2 derniers mois.
| UFL | PDI (g) | Ca (g) | P (g) | |
|---|---|---|---|---|
| 4ème mois | 0,9 | 79 | 7 | 3,8 |
| 5ème mois | 1,01 | 107 | 10 | 4,5 |
Calcul des besoins des boucs
Pour les boucs entre 80 et 100 kg, on adopte les apports suivants :
| UFL | PDI (g) | Ca (g) | P (g) | |
|---|---|---|---|---|
| 80 kg | E : 1,10 L : 1,26 |
E : 62 L : 72 |
E : 5 L : 5,8 |
E : 4 L : 4,6 |
| 100 kg | E : 1,32 L : 1,53 |
E : 73 L : 84 |
E : 6 L : 6,9 |
E : 5 L : 5,7 |
La capacité d’ingestion
La capacité d’ingestion en UEL d’une chèvre laitière en bilan équilibré se calcule comme suit :
CI = 1,3 + 0,016 (PV – 60) + 0,24 PL
Comportement alimentaire
La chèvre est un animal sélectif dans son alimentation. Elle privilégie les feuilles et les parties les plus nutritives des plantes. Ce comportement lui confère un avantage certain en parcours, car il lui permet de valoriser efficacement la végétation ligneuse présente à différentes hauteurs et sur des terrains accidentés.
En revanche, dans les systèmes intensifs sur prairies, cette aptitude au tri engendre souvent d’importantes quantités de refus alimentaires, réduisant ainsi l’efficacité de l’utilisation des fourrages. D’où la nécessité de mettre en place des clôtures mobiles pour une meilleure gestion du pâturage et de l’alimentation, notamment en élevage laitier intensif.
Conduite alimentaire des chèvres laitières
Les besoins d’entretien des chèvres doivent être principalement couverts par des aliments grossiers tels que les fourrages verts et les foins, riches en cellulose et essentiels au bon fonctionnement du rumen. En revanche, les aliments concentrés sont destinés à couvrir les besoins liés à la production (croissance, gestation, lactation).
Il est primordial que tous les aliments soient de bonne qualité, sans moisissures ni souillures. L’eau fraîche doit être disponible à volonté, tout comme les pierres à lécher riches en minéraux.
En fin de gestation, il est conseillé de distribuer un fourrage très appétent et d’introduire progressivement les concentrés pour préparer l’organisme à la lactation. Dès le début de celle-ci, l’apport en concentrés doit être augmenté pour répondre à la hausse des besoins énergétiques.
Dans les systèmes intensifs de production laitière, il est recommandé :
• Soit de constituer des lots homogènes selon le stade physiologique ou le niveau de production et d’adapter les rations à chaque lot,
• Soit de distribuer une ration de base commune, tout en ajustant les compléments selon les besoins spécifiques de chaque lot.
Enfin, la distribution de la ration peut se faire en 2 à 3 repas par jour, en fonction de la disponibilité en main-d’œuvre.
Conduite alimentaire des chèvres de boucherie
L’alimentation de la chèvre de boucherie est similaire à celle de la chèvre laitière, notamment en ce qui concerne les phases de gestation et de lactation. Il est donc recommandé d’appliquer les mêmes principes de conduite alimentaire. La principale différence réside dans une production laitière généralement plus faible chez les chèvres de boucherie, ce qui entraîne des besoins moindres en concentrés, toutes choses étant égales par ailleurs.
Conduite alimentaire des boucs
En dehors de la période de reproduction, l’alimentation des boucs reproducteurs peut reposer essentiellement sur des fourrages de bonne qualité, qu’ils soient verts ou secs. Toutefois, six semaines avant la lutte et pendant toute la période de saillie, il est recommandé de complémenter leur ration avec 300 à 600 g de céréales par jour et par bouc, afin de maintenir leur état corporel et soutenir leur activité reproductive.
L’eau fraîche et propre doit être disponible en permanence pour assurer une bonne ingestion et un bon fonctionnement métabolique.
Conduite alimentaire des jeunes
Tout d’abord, il est essentiel de s’assurer que le chevreau a bien tété une quantité suffisante de colostrum. Le sevrage peut commencer dès que les jeunes atteignent trois fois leur poids de naissance, soit généralement à partir de 60 jours. Cependant, il faut s’assurer qu’ils consomment une quantité suffisante d’aliments solides avant d’arrêter totalement l’allaitement. Ces aliments doivent être introduits dès l’âge de 15 jours afin de favoriser le développement du système digestif.
Evaluation de l’état corporel
L’état corporel est pami les outils qui permettent d’évaluer les réserves de la chèvre. L’animal passe par une phase de stockage et une phase de mobilisation des réserves.
Lors de la période sèche et au début de gestation, les chèvres ont des besoins réduits et arrivent à stocker le surplus d’énergie dans les tissus adipeux.
A la fin de gestation, l’appétit baisse et les besoins de fœtus augmentent. Les réserves sont mobilisées.
A la mise bas et au début de lactation, les besoins augmentent rapidement et le niveau d’ingestion croit lentement. Les réserves lipidiques sont intensivement mobilisées. Une fois l’ingestion augmente, la mobilisation baisse.
Les réserves sont reconstituées à partir du deuxième mois après mise bas.

Variation de l'état corporel des caprins au cours du cycle annuel
Principes de la reproduction
Puberté
• Les chèvres atteignent généralement la puberté entre 6 et 7 mois.
• Chez les boucs, la puberté survient lorsqu’ils atteignent environ 40 à 50 % de leur poids adulte.
• La saison sexuelle des chèvres s’étend généralement d’août à décembre.
• Les boucs, quant à eux, présentent une activité sexuelle tout au long de l’année.
Saison de reproduction
Gestation
• La gestation dure en moyenne 5 mois, soit environ 150 jours.
• L’anœstrus post-partum (période d’inactivité sexuelle après la mise bas) est d’environ 25 jours.
• L’intervalle entre deux mises basses varie généralement de 5 à 7 mois.
• Un bouc adulte peut couvrir environ 30 chèvres.
• Un jeune bouc peut en couvrir jusqu’à 15.
Ratio reproducteur (sex-ratio)
Préparation des boucs
Avant la période de saillie, il est essentiel de réformer les animaux non reproducteurs et de préparer soigneusement le troupeau à la reproduction. Cela comprend un déparasitage effectué au moins deux mois avant le début de la lutte, un contrôle et un traitement des organes génitaux en cas de pathologies, ainsi que la taille des onglons pour garantir une bonne mobilité. Le flushing doit débuter également deux mois avant la lutte, afin de stimuler la fertilité par une amélioration de l'état nutritionnel. Par ailleurs, il est fortement recommandé de renouveler les géniteurs tous les deux ans afin de limiter les risques de consanguinité et préserver la vigueur génétique du troupeau.
A noter qu’il ne faut pas garder les boucs mottes pour la reproduction.
Préparation des chèvres
Seules les chèvres en bon état corporel doivent être mises à la reproduction, tandis que les femelles non reproductives doivent être réformées et remplacées par les meilleures chevrettes de renouvellement. Bien que la puberté puisse être atteinte dès 6 à 7 mois, seules les chevrettes ayant atteint au moins 70 % de leur poids adulte doivent être sélectionnées pour la reproduction. Deux semaines avant la période de lutte, il est recommandé de déparasiter les chèvres et de pratiquer le flushing, qui consiste à distribuer un supplément de 200 à 300 g de céréales par chèvre et par jour durant les 3 à 4 semaines précédant et pendant la lutte, afin de stimuler l’ovulation et améliorer les performances reproductives.
La période d’œstrus, ou chaleurs, dure en moyenne 36 heures (variant entre 24 et 48 heures selon les races). Elle se manifeste par des changements comportementaux marqués, notamment une recherche active du mâle et l’acceptation de l’accouplement. Il est à noter que la durée des chaleurs peut être plus courte en début et en fin de saison sexuelle.
Conduite de la lutte
Pour bien conduire la lutte, il est indispensable de détecter les chaleurs chez les femelles. La méthode la plus efficace consiste à introduire un mâle équipé d’un tablier (empêchant la saillie) dans la bergerie pour repérer les femelles en chaleur. À défaut, il faut observer attentivement certains signes comportementaux et physiques tels que la nervosité, la congestion de la vulve accompagnée d’un écoulement de mucus, des tentatives de chevauchement entre femelles, ainsi qu’une diminution de l’appétit. Pour un meilleur contrôle de l’élevage, il est recommandé de maîtriser les saillies afin de concentrer les mises bas entre février et mars, ce qui permet une gestion plus efficace du troupeau. Bien qu’il soit possible d’adopter une reproduction naturelle entraînant des chevrotages étalés sur toute l’année, cette pratique présente des inconvénients, notamment un risque accru de consanguinité et une charge de travail importante liée à la surveillance des mises bas continues tout au long de l’année.
Le moment idéal pour la saillie est entre 9 et 24 après le début des chaleurs.
Conduite de la mise bas
Lors de la mise bas, il est essentiel de prévoir un endroit propre, sec et isolé pour garantir de bonnes conditions sanitaires et réduire le stress de l’animal. Il convient de laisser la chèvre mettre bas naturellement sans intervention, sauf en cas de complications visibles nécessitant une assistance.
Bâtiments
En cas d’élevage en stabulation, les bâtiments d’élevage doivent assurer la protection des animaux, faciliter les différentes opérations (alimentation, abreuvement, circulation, traite) et permettre leur réalisation dans de bonnes conditions, tout en garantissant une bonne aération. Le tableau suivant rapporte les normes de logement.
| Paramètre | Surface |
|---|---|
| Surface par chèvre en stabulation libre | 1,5 m² |
| Surface par chevreau avant sevrage | 0,3 m² |
| Surface par chevreaux / chevrette après sevrage | 0,8 – 1 m² |
| Surface par bouc | 3 m² |
| Longueur d’auge par chèvre | 0,4 m |
| Nombre de chèvres / m au cornadis | 2,5 m |
| Largeur de couloir de surveillance | 0,7 m |
| Largeur de couloir d’alimentation par brouette | 1,5 m |
| Largeur de couloir d’alimentation par tracteur ou remorque | 3 m |
